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Au delà de mes rêves
3 décembre 2009

le chasseur chassé ?

Enquête

Une étrange disparition
LE MONDE | 03.12.09 | 15h15  •  Mis à jour le 03.12.09 | 15h15

 

Son nom circule dans tout le Pays basque français. Son visage a été exposé sur des dizaines d'affiches placardées sur des murs. Jon Anza Ortunez, 47 ans, a subitement disparu alors qu'il se trouvait dans la région de Bayonne, sans laisser de trace. L'organisation indépendantiste basque ETA, qui figure sur la liste des entreprises terroristes de l'Union européenne, l'a reconnu comme l'un de ses membres. Une première. Et elle accuse la police espagnole de l'avoir enlevé.

Un collectif de militants et sympathisants s'est mis en place. Il devait organiser, vendredi 18 décembre, à Paris, une réunion publique, neuf mois jour pour jour après cette disparition inexpliquée.
Le 18 avril, tôt le matin, Jon Anza prend le train à Bayonne pour se rendre à Toulouse, où il compte passer quelques jours "chez des amis". Maixo, sa compagne, le conduit à la gare et tourne les talons avant le départ du train. Elle ne sait pas chez qui il se rend, elle n'a pas de numéro où le joindre. "Il était censé m'appeler quand il reviendrait." Mais, depuis lors, plus de nouvelle.
Le 15 mai, la famille et les proches de Jon Anza se décident à rendre publique sa disparition lors d'une conférence de presse, et alertent la justice. Le parquet de Bayonne ouvre une enquête pour "recherche des causes d'une disparition inquiétante", et saisit la police judiciaire de Bayonne.
Trois jours plus tard, dans un communiqué daté du 18 mai, publié le 20 dans le quotidien basque espagnol Gara, l'ETA revendique l'appartenance de Jon Anza à l'organisation. Ce qui motive aussitôt l'ouverture d'une seconde enquête, préliminaire, par le parquet de Paris, pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" et "financement du terrorisme". Car, avec un luxe de détails qui laisse sans voix la police française, l'organisation indépendantiste révèle qu'elle avait rendez-vous le 18 avril avec Jon Anza pour qu'il lui remette une forte somme d'argent - sans en préciser le montant.
Dans la foulée, l'ETA assure que le militant était connu des services français et en avance la preuve : ses empreintes, affirme-t-elle, figurent sur du matériel trouvé par la police le 16 novembre 2008 dans un "zulo" (un trou, une cache) en forêt de Saint-Pée-sur-Nivelle, à quelques kilomètres de Saint-Jean-de-Luz. Or, ces traces n'ont pas encore été "exploitées", selon la police. Dans l'urgence, celle-ci vérifie et constate, stupéfaite, que les empreintes digitales qui figurent sur un manuel de lutte armée en langue basque correspondent effectivement à celles du disparu.
Certes, Jon Anza était connu. Originaire de Saint-Sébastien, il s'était établi en France en 2004 après avoir passé vingt ans en prison en Espagne. Membre de l'ETA, il dirigeait le commando Lau Halizea, responsable, selon les autorités espagnoles, de l'assassinat d'un policier. Condamné le 20 février 1982, il avait été remis en liberté le 18 octobre 2002. Mais pour la police française, qui surveillait de loin en loin cet homme, il n'était plus dans la course, d'autant qu'il souffrait depuis 2008 d'un cancer affectant un nerf optique. "Il n'y voyait plus à trois mètres", souligne sa compagne. Jon Anza suivait un traitement lourd avec d'importants effets secondaires, notamment sur le poids. Le 24 avril, il n'aurait pas dû manquer son rendez-vous à l'hôpital.
Les recherches ont alors été déclenchées. Tous les hôpitaux, tous les cadavres non identifiés de la région ont été vérifiés. Les investigations sur la Carte bleue de Jon Anza, son passeport, sa carte Vitale, n'ont rien donné. La police de son côté, les proches constitués en "brigades" de l'autre, ont chacun refait, à la même heure, le même jour, le parcours Bayonne-Toulouse en train, interrogé les habitués et distribué des avis de recherche.
La procureure de Bayonne, Anne Kayanakis a fait survoler la ligne ferroviaire en hélicoptère. En vain. "La police ne fait pas semblant de chercher, je suis vraiment très perplexe", avoue la procureure. "Nous avons épuisé toutes les pistes rationnelles", affirme Marixtu Paulus-Basurco, avocate de la famille. Les proches excluent un suicide. "Il aurait laissé une explication, il aurait fait comme il faut", tranche Anaïz Funosas, porte-parole d'Askatasuna, une association d'aide aux prisonniers basques dont faisait partie Jon Anza. "C'est un hyperpositif", affirme sa compagne.
Autre hypothèse avancée devant la presse espagnole par le ministre de l'intérieur, Alfredo Pérez Rubalcaba, mais rejetée par les proches : l'ETA aurait elle-même mis la police sur la piste de Jon Anza, parti avec l'argent. "Ça aurait été stupide et Jon est loin d'être stupide", s'insurge Maixo. Aux enquêteurs qui l'interrogent à deux reprises, la compagne de Jon Anza, qui partageait sa vie depuis deux ans et connaissait son passé, a affirmé ignorer la poursuite de son engagement à l'ETA.
La famille penche donc de plus en plus pour un "enlèvement qui aurait mal tourné", une "conviction" renforcée par un article, paru le 2 octobre, dans Gara. Citant des "sources fiables", le quotidien basque affirmait que l'etarra aurait été "intercepté" dans le train par des policiers espagnols, soumis à un interrogatoire illégal et enterré sur le territoire français. "Aujourd'hui, cela apparaît à la famille comme la seule explication possible", appuie Me Paulus-Basurco. Contacté, Gara n'en dit pas plus.

En accusant les policiers espagnols, l'ETA réveille le souvenir de la "guerre sale", dans les années 1980, lorsque les sinistres Groupes antiterroristes de libération (GAL), parapoliciers, pourchassaient et tuaient des membres d'ETA sur le sol français. Le sujet est toujours sensible au Pays basque. Le jour de la parution de l'article de Gara, la procureure a réagi en invitant quiconque à témoigner, même anonymement. Un appel resté jusqu'ici lettre morte. "Je n'ai pas d'élément accréditant la piste d'une séquestration par des barbouzes, mais on ne peut rien exclure", commente Mme Kayanakis qui a demandé l'entraide judiciaire espagnole par l'intermédiaire du magistrat de liaison à l'ambassade de France.
Depuis plusieurs années, la coopération franco-espagnole sur ETA s'est considérablement développée. Des équipes communes d'enquête, en police judiciaire ou dans le renseignement, ont été créées. Un pas supplémentaire a été franchi après l'assassinat, en décembre 2007 à Capbreton, de deux policiers espagnols qui circulaient dans une voiture banalisée du ministère de l'intérieur français. Depuis, les policiers espagnols peuvent intervenir armés sur le territoire français, en partenariat avec leurs collègues. "C'est une coopération exemplaire", souligne le commissaire divisionnaire Loïc Garnier, chef de l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) dont l'organisation accueille en permanence deux fonctionnaires espagnols. Pour lui, l'implication de la police espagnole dans la disparition de Jon Anza "est totalement exclue".
Un élément troublant est pourtant intervenu quelques mois auparavant. Le 11 décembre 2008, un autre réfugié espagnol, Jon Maria Mugica Darronsoro, a porté plainte après avoir été enlevé dans le village de Saint-Palais et retenu plusieurs heures par quatre individus qui s'étaient présentés comme des policiers français. S'exprimant en espagnol, ces interlocuteurs auraient fait pression sur M. Mugica pour "collaborer" en évoquant sa fille, en prison à Madrid. Une information judiciaire est toujours ouverte. Jusqu'ici, la police française a remonté la piste de quatre téléphones portables espagnols.


Isabelle Mandraud,
Article paru dans l'édition du 04.12.09
   

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